L'étoile en pointe de la chanson

Natasha St-Pier

Ce n'est pas sur les pointes que cette cigale, qui chante depuis qu'elle a 8 ans, fait irruption dans le showbiz. Avec "Je n'ai que mon âme", la Canadienne Natasha St-Pier a défendu les couleurs de la France au Grand Prix de l'Eurovision, le 12 mai, à Copenhague.

Pour cette petite fille du Nouveau-Brunswick, à l'est du Québec, la résistance contre les Anglais et leur suprématie culturelle est une vocation. Arrivée 4e devant 100 millions de téléspectateurs, Natasha a peut-être perdu une bataille, mais pas la guerre.

Engagée à 18 ans dans "Notre-Dame de Paris" pour tenir le rôle de Fleur de lys, Natasha a convaincu Garou, son partenaire et compatriote. Elle triomphe en première partie de son spectacle, en tournée. Natasha St-Pier a 20 ans, l'âge de toutes les conquêtes.

Avant que Natasha St-Pier défendre les couleurs de la France au Grand Prix de l'Eurovision, Garou, le Quasimodo de "Notre-Dame de Paris", lui a fait confiance. Il l'a choisie pour assurer la première partie de sa tournée qui a débuté en avril par l'Olympia. Elle va se poursuivre dans toute la France, en passant par la Belgique, en septembre, le Luxembourg, la Suisse, avec un retour à Paris au Zénith le 5 octobre. Et s'achever à la fin de l'année au Québec, et à Montréal. A chaque fois, la voix puissante de Natasha fait décoller les fans de Garou qui reprennent en choeur la chanson de son dernier album, "Je n'ai que mon âme", écrite par Robert Goldman, le frère de Jean-Jacques. C'est avec cet air, déjà troisième au Top 50, que Natasha a remporté une quatrième place pour la France le 12 mai au concours de l'Eurovision, à Copenhague.

Comme à son habitude, avant d'entrer en scène et malgré l'enjeu, elle était venue répéter avec ses musiciens, en jean et cache-coeur bleu ciel comme ses yeux, micro à la main, sur les pointes roses de ses chaussons. "Comme toutes les petites filles, je rêvais de ressembler à la danseuse qui sort de la boîte à musique. Je suis restée très "Lac des cygnes", même si je n'ai plus le temps de faire de la danse. Je traîne mes "pointes" partout où je vais, elles me portent bonheur." Et ça marche! Cette Canadienne francophone, que l'on compare à Céline Dion, est née le 10 février 1981, à Bathurst. Son père, Mario, est directeur de prison et sa mère, Marie, infirmière.

Son enfance s'est déroulée à l'abri d'une grande maison au bord de la mer, dans la baie des Chaleurs, baptisée ainsi par Jacques Cartier en 1534, lors de sa première visite par un journée d'été torride. Natasha a aussi un frère, Jonathan, 16 ans aujourd'hui, passionné de hockey sur glace. Enfant, Natasha, dès qu'elle rentrait de l'école, après avoir terminé ses devoirs, chantait et imitait ses idoles: Madonna, Mariah Carey... Son professeur de musique lui demande un jour de faire le spectacle de fin d'année : "J'avais 8 ans et j'ai chanté "Cadeau", un tube d'Elsa. J'étais très impressionnée mais follement heureuse." Natasha est lancée.

Avec ses parents, le week-end et pendant ses vacances, elle sillonne le Canada. Elle va de gala en gala. A 15 ans, premier album et aussi premier disque d'or. S'ensuit un conflit avec son agent. Natasha arrête alors de chanter pendant plus d'un an et en profite pour passer brillamment son bac scientifique. Mais elle a abandonné son idée première d'être biologiste car chanter lui manque terriblement.

Nous sommes en 1999, Luc Plamondon cherche une chanteuse pour être Fleur de lys lors de la tournée de "Notre-Dame de Paris" au Québec. Natasha est choisie. Garou est là pour l'encourager et la rassurer. "Pour moi, Garou, dit Natasha, c'est le mélange d'un grand frère et d'un meilleur ami. On peut se dire n'importe quoi. On n'a pas la pudeur des choses qu'on n'ose pas dire. Il est merveilleux et je l'adore."

A Paris, Natasha a joué les touristes avec ses musiciens québécois venus pour la première fois dans la capitale. Elle est montée avec eux en haut de l'Arc de triomphe et de la tour Eiffel et elle envisage qu'il est de très beaux Van Gogh au musée d'Orsay, un peintre qu'elle adore, mais elle étouffe dans les musées.

Tous les matins, elle fait son jogging pour éliminer son péché mignon, le chocolat. "Il a tendance à tomber directement dans mes cuisses." Gourmande, à sa grande joie elle a trouvé dans une épicerie du beurre d'arachide, comme chez elle. Au restaurant, Natasha est très superstitieuse : "Si je vois du sel tomber sur la table, je le prends dans ma main et je le jette par-dessus mon épaule. C'est plus fort que moi." En France, une chose l'agace : les anglicismes. "Pourquoi dire "Coca Light" au lieu de "Coca diète"? La langue française est tellement riche!"

Dans sa chambre d'hôtel, pour se détendre, Natasha adore regarder des cassettes de "Friends" et de "Survivor". Elle vient aussi de terminer "Shanghai Baby" de Weihui, une jeune romancière chinoise. "Je l'ai dévoré en une nuit, le personnage de Coco m'a bouleversée."

Le succès ne lui monte pas à la tête. pour l'instant, elle n'a fait aucune dépense spectaculaire. "Je vis simplement, je loue un appartement à Montréal. J'ai passé mon permis de conduire, mais je n'ai pas encore trouvé le temps de choisir une voiture. Je ne suis pas très consommatrice, excepté mon téléphone cellulaire."

Puis elle ajoute : "Je suis très introvertie, sauf sur scène. Là, je laisse aller toutes mes émotions. J'aime mieux chanter devant 10 000 spectateurs qu'être face à une seule personne. Je n'aime pas trop dire comment je me sens. Au fond, je n'ai pas envie qu'on connaisse mes forces et mes faiblesse. Je ne laisse rien parraître. Plus je suis stressée, plus je suis calme. Le stress fait sur moi le même effet que la fatigue."

Toutes ses chansons ne parlent que d'amour. Alors est-elle amoureuse? Natasha répond par la négative en secouant ses boucles rousses. "Comme on dit chez nous, je ne désespère pas de "tomber en amour"."

Paris Match, M2533-2715, 7 juin 2001